
Dernières négociations poussives à l'OMS sur l'Accord sur les pandémies

Le dernier "toilettage" du projet d'accord international visant à mieux se préparer et lutter contre les pandémies se prolongeait mardi au siège de l'Organisation mondiale de la santé, dans un contexte de craintes de droits de douanes américains sur la pharmacie.
Les discussions ont avancé plus lentement que prévu, après trois jours de pause.
Elles butent essentiellement sur l'article 11 qui concerne le transfert de technologies pour la production de produits de santé liés aux pandémies, en particulier au profit des pays en développement, ont indiqué plusieurs sources à l'AFP.
Le sujet avait été au cœur des nombreux griefs des pays les plus démunis lors de la pandémie de Covid-19, quand ils voyaient les pays riches s'accaparer les doses de vaccin et autres tests.
Plusieurs pays, où l'industrie pharmaceutique pèse lourd dans l'économie, sont opposés à l'idée d'obligation de transfert et insistent sur son caractère volontaire.
Un consensus a d'abord semblé émerger autour du principe de transfert de technologies "convenu d'un commun accord", mais plusieurs sources ont indiqué à l'AFP que les discussions piétinaient depuis car certains pays souhaitent que cette explication apparaissent dans plusieurs parties de l'accord.
"Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique et ses alliés du G7+ proposent que chaque référence au transfert de technologie mentionne ce principe de convenu d'un commun accord (...). C'est un énorme recul par rapport au texte de samedi", a commenté sur le réseau social BlueSky James Packard Love, directeur exécutif de l'ONG Knowledge Ecology international, qui suit de près les discussions.
- Discussions dans les couloirs -
Les négociations se déroulent à huis clos au siège de l'OMS. Mais les délégués multiplient les pauses et les discussions informelles autour de cafés et pizzas pour tenter de débloquer les discussions. Un groupe de délégués africains étaient ainsi réunis dans le couloir autour de la vice-présidente française, tandis que d'autres menaient une discussion animée avec le conseiller juridique principal de l'OMS, Steve Solomon.
Les pays doivent également finaliser les discussions sur l'accès aux produits de santé hors contexte pandémique ou humanitaire.
Samedi pourtant, après 5 jours dont 24 heures de négociations sans interruption, les choses se présentaient sous de bons auspices.
Anne-Claire Amprou, co-présidente de l'organe de négociation et ambassadrice de France pour la santé mondiale, avait annoncé "un accord de principe", en attendant l'accord définitif des capitales. Et c'est une salle en liesse, où les délégués ont applaudi à tout rompre et se sont embrassés, qui s'est séparée pour une pause de trois jours.
Mardi devait servir à "toiletter" une dernière fois le texte, qui cinq ans après l'arrivée du Covid-19, ses millions de morts et une économie mondiale dévastée, doit permettre de mieux préparer le monde, loin d'être équipé pour affronter une autre pandémie, selon l'OMS et les experts.
- Etats-Unis absents -
Les négociations se déroulent dans un contexte de grave crise du multilatéralisme et du système de santé mondial, provoqué par les coupes drastiques dans l'aide internationale américaine décidée par le président Donald Trump, alors que les Etats-Unis étaient de très loin le principal donateur humanitaire.
Ils étaient aussi absents des négociations, le président américain ayant décidé qu'ils quittaient l'organisation. Mais la présence des Etats-Unis se fait sentir dans les couloirs de l'OMS, avec la menace de droits de douanes américains sur la pharmacie.
Mais pour les ONG, il est temps de conclure.
"Bien que l'accord ait fait l'objet de plusieurs compromis, il comporte de nombreux éléments positifs permettant la mise en place d'un nouveau cadre pour une préparation et une réponse aux pandémies plus équitables et plus justes à l'avenir", a commenté Médecins sans frontières (MSF).
"Si le texte est adopté, ce sera une première dans l'histoire des accords internationaux : à travers ce texte, les pays affirment la nécessité, lorsqu'ils financent la recherche et le développement de nouveaux traitements, diagnostics ou vaccins avec des fonds publics, d'assortir ce financement de conditions permettant de s’assurer que le public puisse en bénéficier", a déclaré à l'AFP Michelle Childs, directrice à l'Initiative Médicaments contre les maladies négligées (DNDi).
S'il est validé, le texte - qui aura valeur de traité - devra encore être adopté lors de l'Assemblée mondiale de la santé, en mai à Genève, par les pays membres de l'OMS.
H.Robin--PS