Droits de douane: l'UE suspend sa riposte, la Chine appelle au compromis
L'Union européenne a suspendu jeudi sa riposte aux droits de douane américains après le revirement spectaculaire de Donald Trump, qui a gelé les surtaxes appliquées à une soixantaine de pays, à l'exception de la Chine, désormais isolée dans son bras de fer avec Washington.
L'UE va geler sa riposte durant 90 jours pour "donner une chance aux négociations", a annoncé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. "Si les négociations ne sont pas satisfaisantes, nos contre-mesures entreront en vigueur", a-t-elle cependant prévenu.
Les 27 Etats membres de l'UE avaient adopté mercredi après plusieurs semaines de négociations ses premières mesures de représailles aux droits de douane de Donald Trump, portant sur plus de 20 milliards d'euros de marchandises, comme les motos, le soja ou la volaille.
Ces surtaxes répondaient aux taxes de 25% imposées sur l'acier et l'aluminium par Washington mi-mars. La riposte aux droits de douane de 20%, décrétés par le président américain le 2 avril, devait quant à elle être présentée en début de semaine prochaine.
La décision de Bruxelles survient après la volte-face du président Trump, qui a annoncé mercredi soir à la surprise générale un gel de 90 jours des surtaxes appliquées à 60 pays, ne maintenant à leur égard que le taux plancher de 10% en vigueur pour tous les pays depuis début avril.
Les investisseurs étaient "un peu nerveux, un peu craintifs (...) Vous devez avoir de la flexibilité", a justifié face à la presse l'ancien magnat de l'immobilier, qui n'a maintenu ses surtaxes que pour un seul pays, auquel il reproche un "manque de respect": la Chine.
- "Porte ouverte" -
Désormais isolée dans son combat face à l'administration américaine, cette dernière a continué jeudi de tenir tête à Washington, promettant de "se battre jusqu'au bout", tout en se montrant ouverte à la recherche d'un compromis.
"La porte est ouverte pour des négociations, mais ce dialogue doit être mené sur un pied d'égalité et basé sur le respect mutuel", a indiqué une porte-parole du ministère chinois du Commerce. Dans l'attente d'un éventuel accord, Pékin a annoncé réduire le nombre de films américains diffusés sur son territoire.
Visée depuis mercredi par un taux douanier de 104% sur l'ensemble de ses produits, la Chine avait répliqué jeudi matin avec des droits de 84% sur l'ensemble des produits américains. Cette décision a poussé Washington à porter en retour à 125% le niveau de ses taxes sur les produits "made in China".
Cette nouvelle escalade n'a pas empêché les principales places boursières asiatiques et européennes de rebondir, les investisseurs pariant sur une accalmie dans la guerre commerciale mondiale.
En Asie, la Bourse de Tokyo s'est envolée de 9% à la clôture, celle de Séoul de 6,6%. En Europe, les principaux indices à Paris, Francfort ou Londres gagnaient entre 4% et 6% à la mi-journée, dans l'attente de l'ouverture de Wall Street, où le Nasdaq a flambé mercredi de 12%.
- "Répit" -
Jeudi, les ministres de l'Economie de l'Asean, bloc régional regroupant dix pays d'Asie du sud-est, se sont engagés à "ne pas imposer de mesures de rétorsion" contre les Etats-Unis. Le Vietnam, visé par une surtaxe de 46%, a aussi assuré vouloir acheter davantage de produits américains en échange d'un accord.
"La pause sur les tarifs douaniers réciproques annoncée par le président Trump est un répit", a estimé de son côté le Premier ministre canadien Mark Carney, confirmant des négociations entre Ottawa et Washington après les élections fédérales canadiennes, prévues le 28 avril.
Au total, "plus de 75 pays" se sont manifestés pour "négocier" avec les Etats-Unis, selon Donald Trump. Mardi soir, le président américain avait assuré, avec la vulgarité dont il est parfois capable, que de nombreux dirigeants étrangers lui "léchaient le cul" pour négocier des accords "sur mesure".
Ces dernières heures, plusieurs voix ont mis en cause son attitude lors de sa volte-face mercredi, évoquant un possible délit d'initié. Quelques heures avant ce revirement, qui a fait bondir les marchés, le milliardaire avait en effet encouragé à investir en Bourse: "C'EST LE MOMENT D'ACHETER", avait-il écrit.
Pour nombre d'observateurs, les risques liés à la politique commerciale américaine sont cependant loin d'être levés. Prédire la suite des événements est "quasiment impossible", les Etats-Unis ayant totalement "dévié du scénario habituel", note Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote Bank.
Selon la directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, le seul bras de fer entre Pékin et Washington pourrait réduire de "jusqu'à 80%" les échanges de marchandises entre les deux pays et effacer "près de 7%" du PIB mondial sur le long terme.
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Y.Martinez--PS