
La justice somme la Maison Blanche de rétablir l'accès de l'agence AP

Un juge fédéral a sommé mardi la Maison Blanche de rétablir le plein accès de l'agence Associated Press, suspendu depuis deux mois, jugeant inconstitutionnelle son exclusion en raison de divergences d'opinion avec le gouvernement Trump.
Pilier du journalisme aux Etats-Unis, AP a été notamment exclue du Bureau ovale et de l'avion présidentiel "Air Force One" en février pour son refus de se conformer à la nouvelle appellation du Golfe du Mexique, rebaptisé "Golfe d'Amérique" par un décret signé par Donald Trump.
Le juge Trevor McFadden conclut que l'exclusion d'AP pour ce motif est "contraire au Premier amendement" de la Constitution, qui garantit la liberté de la presse et d'expression.
Le tribunal "considère simplement qu'en vertu du Premier amendement, si le gouvernement ouvre ses portes à certains journalistes (...) il ne peut pas fermer ces portes à d'autres journalistes à cause de leurs opinions", explique-t-il.
Il balaie également les arguments de l'administration Trump selon laquelle l'agence revendiquerait "un accès privilégié".
"Tout ce que veut AP et tout ce qu'elle obtient, c'est d'être traitée sur un pied d'égalité" par rapport à ses concurrents, affirme le magistrat, soulignant qu'il n'ordonne pas à l'administration Trump de "lui accorder un accès permanent au Bureau ovale" ou à d'autres lieux importants de la Maison Blanche, ni "un traitement particulier".
- "Hémorragie économique" -
"AP a connu une hémorragie économique ces deux derniers mois et sans décision de justice en sa faveur, sa situation ne fera que s'aggraver à mesure que ses clients l'abandonnent pour d'autres médias", souligne le juge McFadden.
En conséquence, il enjoint l'administration Trump de "lever immédiatement l'exclusion d'AP du Bureau ovale, d'Air Force One et d'autres espaces limités (...) lorsque de tels espaces sont ouverts aux autres membres du pool de presse de la Maison Blanche".
Il reporte néanmoins l'entrée en vigueur de sa décision au 13 avril afin de donner le temps à l'exécutif de se tourner vers une juridiction d'appel.
L'agence de presse a salué dans un communiqué cette décision qui "consacre le droit fondamental de la presse et de la population à parler librement sans représailles de la part du gouvernement".
L'administration Trump avait fait valoir dans ses arguments écrits que rien n'obligeait le président des Etats-Unis à "privilégier l'Associated Press par rapport à tous les autres médias et à lui conférer des avantages et un accès particulier permanents simplement parce que les précédentes administrations ont choisi de le faire".
Dans une note éditoriale, AP a expliqué que le décret présidentiel américain changeant le nom du golfe du Mexique en golfe d'Amérique ne faisait autorité qu'aux Etats-Unis, tandis que le Mexique et d'autres pays et institutions internationales n'étaient pas tenus de s'y conformer.
"Associated Press y fera référence par son nom d'origine tout en reconnaissant le nouveau nom choisi par Trump", a poursuivi l'agence, rappelant que le golfe du Mexique portait "ce nom depuis plus de 400 ans".
L'agence AP, fondée en 1846 et qui emploie plus de 3.000 personnes à travers le monde, a publié plus de 375.000 articles, 1,24 million de photos et 80.000 vidéos selon ses chiffres pour 2023.
Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, la Maison Blanche a réduit la place accordée aux grands médias américains et restreint l'accès d'organes de presse, dont l'AFP, au profit de représentants de chaînes de télévision, blogs, sites internet ou podcasts populaires auprès de l'électorat trumpiste.
Dans un communiqué, l'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA) a applaudi la décision du juge.
"Nous sommes ravis que les journalistes, photographes et vidéastes de l'Associated Press soient à nouveau autorisés à participer aux événements présidentiels dont ils avaient été exclus par l'administration, simplement parce qu'ils avaient utilisé des mots que la Maison-Blanche n'aimait pas", a déclaré le conseil d'administration de la WHCA dans un communiqué.
S.Denis--PS